Conakry, le 30/11/02
Bonjour a tout le monde, voilà quelques nouvelles africaines, maintenant que je suis un peu acclimatée, que je suis de retour a la capitale devant un ordi qui marche et une connection qui semble vouloir marcher aussi.
Je suis donc arrivee en Guinee par un beau samedi de Novembre (enfin beau je ne sais pas il faisait nuit pour etre exacte) et aussi par avion (qui pourtant ne voulait pas tellement partir de Paris, mais c’est une autre histoire).
J’ai passee 10 jours a la capitale, histoire de m’acclimater en douceur a l’Afrique et de faire une « passation ». La passation consiste a absorber le plus rapidement possible le plus de connaissances possibles de mon predecesseur avant qu’il ne s’en aille (le probleme etant qu’il savait vraiment plein de choses et qu’il est vraiment parti et la il me manque beaucoup. Heureusement il revient bientôt, il ne m’a pas vraiment abandonne, c’etait une blague puisqu’il devient chef de mission des son retour de vacances, ouf)
Apres 10 jours à voir pleins de gens importants, a tester tous les restos pour expats de Conakry, la piscine de l’hotel d’a cote (heu en vrai je n’ai pas fait que ca a Conakry, j’ai aussi fait la fameuse « passation », ou « cours intensif de rond de cuir humanitaire en Guinee», faut pas croire ce que les mauvaises langues racontent) et hop dans l’avion du PAM, direction Kissidougou (ben oui, le PAM affrete un avion pour les UN, les ONG et tous ceux qui reussissent a s’inscrire sur les listes extremement selects vu qu’il n’y a que 12 places, mais Papa 2 est super fort). Jusque la tout va bien j’ai meme evite les 10 heures de route entre Conakry et Kissi, je n’etais pas trop mecontente de moi.
C’est a Kissidougou que tout a commence.
Cette fois ci me voilà vraiment en Afrique, la terre rouge, une vegetation luxuriante, de superbe lumieres vers la fin du jour…
Apres dix jours de « ville » je me retrouve encore un peu plus « loin » dans la Brousse, a Kissidougou, petite prefecture de haute Guinee, devenue importante a cause des camps de refugies installes a proximite .
D’abord je suis officiellement devenue « Papa 3 », ce que je ne faisait que pressentir a Conakry, et puis Papa 1 n’etait plus la, donc il fallait assumer l’interim.
Papa 3, qu’est-ce a dire ? hein hein vous demandez-vous face a votre babasse reliee a une ligne telephonique en parfait etat de marche et qui le prouve chaque jour ou meme mieux au CABLE, miracle de la technologie… Maintenant imaginez un pays sans telephone, ou alors tres tres aleatoire, tellement que le seul qu’on a est un telephone satellite (avec la qualite sonore et les factures correspondantes).
Papa 3 c’est mon nom de code radio (Papa etant le code de THE ONG, et donc ma suggestion de m’appeler Mama 3 a ete rejetee) et ne demandez pas qui est le n°1, il est en vacances et c’est moi qui le remplace (si j’ai bien tout suivi). Papa 2 est le logisticien securite et il faut etre tres gentil avec lui (mais c’est facile car c’est une creme) vu qu’il est charge de resoudre TOUS les problemes rencontres dans la vie quotidienne (qui vont de l’achat de PQ aux procedures d’evacuation en passant par le maintien en fonctionnement des vehicules)
Autant vous rassurer tout de suite, pour ceux qui avaient encore un doute, je suis toujours super nulle en radio (j’ai bien fait un stage a la radio cet ete mais j’ai du me tromper de service). Cela dit, il paraît que ca rentre avec le temps, et les operateurs radio sont tres sympas et me soufflent les bonnes reponses (ce qui donne des situations assez surrealistes du genre moi a la radio et l’operateur radio (Amadou est leur nom) a cote de moi qui me dit « bien copie a toi» je repetes « bien copie a toi » sachant que je n’ai rien compris du coup je le regarde avec de grands yeux ronds (si si c’est possible) il me dit « stand by » je repete « stand by », il me traduit les crrr et les schhh, ce qui me permet de savoir de quoi cause mon interlocuteur (vu que en vrai je n’avais rien copie du tout), de repondre tout en continuant a suivre les procedures dictees par l’operateur radio qui est a mes cotes et ainsi de suite…) et de toute facons je ne m’en sert que tres rarement (heureusement). Ce qui n’empeche pas tout le monde de m’appeler Papa 3…
Comme les communications a Kissidougou se font essentiellement par radio, je ne desespere pas de devenir une vraie cibiste a mon retour et me faire plein d’amis sur les autoroutes francaise. En fait on reconnait ceux qui se servent beaucoup de la radio parce qu’ils repetent deux fois les infos importantes dans la phrases du genre « rendez vous lundi lundi devant le cafe samba samba », commencent leur reponse par « bien copie » et repetent ce que tu viens de dire puis terminent leurs phrases par « a toi » ce qui me fait encore mourir de rire (mais je vais m’habituer c’est sur)
En tout cas depuis que je suis arrivee, mon entrainement de meditation en regardant le coucher du soleil sur le fleuve ne m’a pas du tout servi, meme si le soleil se couche aussi environ a 18h30, d’abord je n’ai pas repere de « fleuve » a proprement parle (c’etait au mieux une riviere à mon gout) et puis je bosse a un rythme beaucoup plus intensif que dans certaines villes fluviales de ma connaissance, autant dire qu’a 18h30 je suis encore au bureau (vive les generateurs). Par contre mon entrainement a dormir dans tout engin de transport meme sur routes defoncees m’est assez utile, surtout l’option routes defoncees.
Je m’initie a une nouvelle coutume, dont je pourrais surement mieux vous parler plus tard vu que je n’en suis encore qu’au debut, et qui consiste a faire la reine d’Angleterre du haut de mon 4x4 pour repondre aux enfants qui accourent vers la voiture en criant « Toubaaaaabou, Toubaaaabou, Caaaaaa Va ? » en faisant de grands signes de mains, et comme je ne voudrais pas que ces enfants aient une mauvaise image de moi, je reste polie et je reponds a leurs amicales salutations en faisant moi meme signe de la main et en criant « Ca va bien ? » de derrière mes lunettes noires. On ne se rends pas bien compte, mais c’est un entrainement quotidien, vu qu’a Kissidougou (pourtant surnommee Ong-land a juste titre) TOUS les enfants - meme les petits voisins d’en face qui nous voient entrer et sortir plusieurs fois par jour de chez nous - saluent les toubabou-ca-va*. Ca ne leur passe qu’avec la puberte, je ne sais pas pourquoi, mais je viens d’arriver, alors.
· Point de Lexique : Toubabou veut dire blanc en Malinke, langue utilisee au Nord de la Guinee (et au Mali ce me semble) et notamment a Kissidougou, qui est pourtant en pays Kissi et ou les gens devraient parler Kissi, mais les traditions se perdent c’est moi qui vous le dit et du coup les gens font pus rien comme y faut et que c’est marque dans les livres, ce quia tendance a embrouiller le toubabou moyen que je suis. Mais si ca se trouve c’est un coup monte expres pour destabiliser mon autorité (j’ai deja surpris quelqu’un a m’appeler « Claire » et je subodore l’insubordination). C’est joli non « subodore l’insubordination » ?
Une autre coutume locale que je suis en train d’apprendre consiste a savoir comment passer des salutations d’usages « bonjour ca va ? - ca va bien ? – Ca va – ca va – ca va ?- ca va - ca va bien ? – ca va ?… » au sujet proprement dit. Et encore je n’en suis pas encore aux stade de la famille vu qu’on manque encore de familiarite… mais si ca se trouve, comme j’ai le role du bad guy (c’est moi qui donne les avertos, recrute licencie, rappelle a l’ordre, tiens les cordons de la bourse, dis qu’il n’y a pas de lignes budgetaires pour ca et que non on ne fait pas d’avance sur salaire), la familiarite n’arrivera jamais, vu que je fais peur a tout le monde york york (rire sardonique).
Bref tout ca pour dire qu’il y a plein de nouveaux us et de nouvelles coutumes a apprendre et je ne suis pas au bout de mes peines. Quant a mon adaptation au nouvel environnement, il fera l’objet de nouvelles nouvelles certainement tres prochainement (apres ce sont des questions techniques peu interessantes).
Donc bisous à tous et a bientôt